The original version of this post is in French, with an English translation at the end.
J’aime les tables. C’est l’objet que j’ai choisi pour répondre à la question : qu’aimes-tu ? C’était lors d’un exercice d’introspection de mon cours « insertion professionnelle ». On devait se confronter à nous-même en se posant ces trois questions :
· Qui suis-je ? (animal)
· Qu’est-ce que j’aime ? (objet)
· Qu’est-ce que j’ai fait ? (activité)
L’idée de l’objet m’est venu le plus rapidement. Une table… Mais pas n’importe laquelle. Une table autour de laquelle on se réunit, sur laquelle il y a un beau repas. Un repas partagé avec des personnes qui me sont chères : c’est ça que j’aime.
« À table ! » (Chez moi, c’était plutôt « Es gibt essen ! ») : un appel qui m’a toujours réjoui. C’était le signal que la faim allait enfin être apaisée, ou que j’allais pouvoir savourer ce plat dont l’odeur envahissait la maison depuis un moment. Mais pour moi, c’était bien plus que juste manger. C’était un instant de partage et de convivialité, un moment de rassemblement familial, qu’on soit tous là ou seulement quelques-uns. Voilà, disons qu’en quelques lignes, je viens de résumer mon rapport aux repas et à l’alimentation. Je dis bien « mon » car qui dit alimentation dit habitudes, individualité, croyances et sensibilité.
Alors oui, ces dernières années, j’ai été en contact très proche avec toutes ces questions d’alimentation et s’il y a bien une chose que je retiens, c’est qu’il s’agit d’un sujet S-E-N-S-I-B-L-E.
C’est fascinant ; à la naissance puis lorsqu’on est enfant, manger est l’acte le plus intuitif et naturel qu’il soit. On écoute son corps, on sait exactement quand on a faim et quand on est rassasié. Dans la plupart des cas, on écoute tout simplement les signaux que notre corps nous envoie et on réagit. Et puis on grandit. Et d’un coup, la nourriture devient un sujet de conversation, de différences, de comparaisons, d’inquiétudes, d’insatisfactions… Et j’en passe. Bref, ça devient une prise de tête pas possible pour quelque chose qui était à l’origine si instinctif. Encore une fois, ce n’est pas le cas de tout le monde (je ne voudrais offusquer personne), mais la tendance va dans cette direction. Mais est-ce réellement grave ou est-ce que ce n’est pas plutôt positif que l’on commence enfin à réellement s’intéresser à une composante de notre santé et notre bien-être si importante.
Cette réflexion est à mon avis quelque chose de positif et naturel. En parlant de naturel, je disais qu’en tant que bébé nous naissons dans un environnement alimentaire si évident et justement naturel. Par la suite, malgré nous, ce n’est plus du tout le cas. Nous nous auto-flagellons pour ne pas manger assez contentieusement ou pas bien tout simplement. Bien trop souvent, nous nous accusons d’être les seuls responsables, alors que tout au contraire. Nous oublions que l’offre alimentaire qui nous entoure n’est plus créée pour satisfaire nos besoins de base, mais est devenue un business énorme qui n’a pas comme priorité notre santé. On nous propose toujours de nouveaux produits qui sont censés être « moins caloriques », « moins sucrés », « plus riches en protéines », « plus riches en fibres », mais finalement ces produits sont toujours plus industriels et transformés. Mon but n’est pas d’éduquer sur les risques de la consommation de ces produits transformés (éducation qui selon moi devrait être considérablement renforcée). Mais mis à part le fait qu’ils nous font plus de mal que de bien, ces produits nous poussent à nous poser toujours plus de questions : « Pourrais-je faire mieux ? », « Devrais-je faire mieux ? ». Nous sommes poussés vers la remise en question et l’insatisfaction.
Une remise en question qui n’est pas forcément négative en soit, mais à laquelle il est bien souvent compliqué de répondre à cause du manque ou du surplus d’informations qui nous est communiqué. Séparer le vrai du faux, l’utile de l’inutile, la norme de l’abus. Je pense qu’il y a peu de sujets sur lesquels les avis divergent autant que l’alimentation. Ce n’est pas étonnant à commencer par les différentes cultures, les besoins, la disponibilité, les profils de personnes. Qui est ce que ça étonne qu’on s’y perde.
Prenons l’exemple des recommandations nutritionnelles : ce sont des conseils alimentaires établis par un organisme de santé d’un pays qui vise à diriger la population vers une alimentation équilibrée et bénéfique pour la santé. Ces recommandations officielles varient entre les pays et se recoupent rarement à 100 %. Cela prouve bien qu’il n’existe pas une seule et unique façon de bien faire ou une règle absolue à suivre. Chacun de nous est différent, avec des besoins qui lui sont propres, et nos corps ne fonctionnent pas tous de la même manière.
Le recours des autorités de santé à ces directives souligne à quel point nous avons perdu nos repères en matière d’alimentation. Face à une multitude de choix et de stimuli qui influencent nos habitudes, nous nous retrouvons à devoir questionner nos véritables besoins et à chercher des repères clairs pour mieux nous guider. Je ne critique en aucun cas l’existence de ces guidelines parce qu’elles sont fondées, mais je pense que d’une part elles ne suffisent pas et que d’autre part elles sont susceptibles de nous pousser vers une certaine rigidité. Alors comment faire pour trouver l’équilibre ?
Je pense tout d’abord qu’un travail est à faire sur comment nous mangeons et non pas forcément sur ce que nous mangeons. Réfléchissez aux moments auxquels vous mangez : avez-vous réellement faim ou mangez-vous uniquement parce que c’est l’heure de manger, que vous vous ennuyez ou parce que quelque chose vous donne envie ? Il est de même avec la fin du repas : arrêtez-vous de manger parce que vous n’avez plus faim ou parce que vous avez terminé votre assiette, que vous avez mal au ventre ou encore que votre subconscient vous dit « tu as assez mangé, maintenant stop ». Il y a selon moi un gros travail à faire autour du contexte de nos repas et notre communication avec notre corps. Reconnecter avec les sensations que nous communique notre corps et lui faire confiance, car il est le seul et unique qui sait ce dont vous avez réellement besoin.
On a tendance à oublier, notamment avec l’influence de tout ce qu’on peut entendre et voir sur les réseaux, que l’alimentation n’est pas une baguette magique. Alors oui, je pense qu’on est loin d’imaginer tout ce sur quoi la nourriture que nous ingérons à une influence et ce n’est pas pour rien qu’on dit « on est ce qu’on mange ». Je dis cela dans une vision plus holistique : notre bien-être mental et physique est défini par tellement de facteurs qu’il est difficile d’en isoler un. Le stress, l’activité physique, les contacts sociaux, le sommeil, l’environnement, en bref notre hygiène de vie ne se définit pas par un seul axe et surtout elle n’est pas toujours constante et stable. Alors avoir une alimentation équilibrée oui, mais l’équilibre ne se crée pas sur un jour, une semaine ou même un mois. À mon avis, c’est l’approche qui doit être équilibrée et raisonnable et qui doit être en symbiose avec le contexte que nous vivons à un certain moment. Ne soyons pas trop dur avec nous-même et ne transformons pas l’alimentation en une discipline de plus dans laquelle nous devons exceller. Pensons tout simplement à notre corps et à ce qui lui fait du bien à ce moment-là.
Je glisse un dernier mot ; je tiens à préciser – car je sais que c'est un sujet sensible – que tout ce que j’écris et exprime ici reflète uniquement mes pensées personnelles que j’aurais d’ailleurs pu développer bien au-delà de ces lignes. Ainsi, mes propos s’adressent uniquement aux personnes en bonne santé générale et sans pathologies spécifiques.
English translation
Reflections Around a Table
I love tables. It’s the object I chose to answer the question: “What do you love?” This was during an introspection exercise in my “professional integration” course. We had to confront ourselves by asking these three questions:
Who am I? (animal)
What do I love? (object)
What have I done? (activity)
The idea for the object came to me the quickest. A table… but not just any table. A table around which people gather, on which there is a beautiful meal. A meal shared with those dear to me: that’s what I love.
“Food’s ready!” (At my place, it was more “Es gibt essen!”) — a call that always delighted me. It was the signal that hunger would finally be satisfied, or that I would get to enjoy that dish whose aroma had been filling the house for a while. But for me, it was much more than just eating. It was a moment of sharing and conviviality, a time for family to come together, whether all of us were there or only a few. In just a few lines, that sums up my relationship with meals and food. And I do mean “my” relationship, because when we talk about food, we talk about habits, individuality, beliefs, and sensitivity.
So yes, in recent years, I’ve been in very close contact with all these questions about food, and if there’s one thing I’ve learned, it’s that this is a highly S-E-N-S-I-T-I-V-E subject.
It’s fascinating; at birth and then in childhood, eating is the most intuitive and natural act there is. You listen to your body, you know exactly when you’re hungry and when you’re full. In most cases, you simply listen to the signals your body sends and you react. Then you grow up. And suddenly, food becomes a topic of conversation, of differences, of comparisons, of worries, of dissatisfaction… and more. In short, it becomes a real headache for something that was originally so instinctive. Once again, this isn’t the case for everyone (I don’t want to offend anyone), but the trend is heading in that direction. But is that really bad, or might it not be a good thing that we’re finally starting to take a real interest in this key component of our health and well-being?
In my opinion, this reflection is something positive and natural. Speaking of natural, I said that as babies, we are born into an eating environment that is so obvious and, precisely, natural. Just that afterwards, despite ourselves, it’s no longer the case at all. We beat ourselves up for not eating carefully enough or simply not eating well. All too often, we accuse ourselves of being solely responsible, when in fact it’s the opposite. We forget that the food supply around us is no longer designed merely to meet our basic needs but has become a huge business whose priority isn’t our health. We’re constantly offered new products that are supposedly “lower in calories,” “lower in sugar,” “higher in protein,” or “higher in fiber,” but in the end, these products are increasingly industrial and processed. I’m not trying to educate anyone on the risks of consuming these processed products (though I believe that kind of education should be significantly strengthened). But beyond the fact that they do us more harm than good, these products push us to keep asking ourselves more questions: “Could I do better?” “Should I do better?” We’re driven toward self-questioning and dissatisfaction.
A self-questioning that isn’t necessarily negative in itself, but one that’s often hard to answer because of the lack or excess of information we’re given. Sorting truth from falsehood, the useful from the useless, the norm from the extreme. I think there are few topics on which opinions differ as much as on food. It’s not surprising, starting with different cultures, needs, availability, and people’s backgrounds. Who’s surprised that we get lost in it all?
Let’s take the example of nutritional guidelines: these are dietary recommendations established by a country’s health authority to guide the population toward a balanced diet that benefits health. These official recommendations vary from one country to another and rarely overlap 100%. That shows that there’s no single way to do things right or one absolute rule to follow. Each of us is different, with our own needs, and our bodies don’t all work the same way.
The fact that health authorities resort to these guidelines underscores how much we’ve lost our bearings when it comes to food. Faced with a multitude of choices and stimuli that influence our habits, we find ourselves having to question our real needs and look for clear markers to guide us better. I’m not in any way criticizing the existence of these guidelines because they are grounded in research, but I think that, on the one hand, they’re not enough, and on the other, they can push us toward a certain rigidity. So how do we find balance?
First of all, I believe we need to work on how we eat, rather than necessarily on what we eat. Think about the times you eat: are you really hungry, or are you eating just because it’s mealtime, you’re bored, or something made you crave food? The same goes for the end of a meal: do you stop eating because you’re no longer hungry, or because you’ve finished your plate, you have a stomachache, or your subconscious is telling you “you’ve had enough, now stop”? In my view, there’s a lot of work to be done on the context of our meals and our communication with our bodies. We need to reconnect with the sensations our bodies are sending us and trust them, because only our bodies truly know what we need.
What we tend to forget, especially with the influence of social media, is that food isn’t a magic wand. Sure, I think we vastly underestimate the scope of what the food we consume can affect, and it’s not for nothing that people say, “We are what we eat.” I say this with a more holistic vision: our mental and physical well-being is determined by so many factors that it’s hard to isolate just one. Stress, physical activity, social contacts, sleep, the environment — in short, our overall lifestyle is not defined by a single area, and above all, it’s not always constant or stable. So yes, having a balanced diet is important, but balance isn’t built in a day, a week, or even a month. In my opinion, it’s the approach that needs to be balanced and reasonable, and it must be in harmony with the context we’re living in at a given moment. Let’s not be too hard on ourselves and turn food into yet another discipline in which we must excel. Let’s simply think about our bodies and what feels right at that moment.
One last note: I want to clarify — because I know this is a sensitive subject — that everything I write and express here reflects only my personal thoughts, which I could have developed well beyond these lines. Thus, my remarks are addressed only to people in generally good health without specific medical conditions.