The original version of this post is in French, with an English translation at the end.
La démocratie est-elle en bonne santé ? À l'évidence, non : elle ressemble plutôt à celle de ta grand-mère obèse après 50 ans de tabagisme. Sauf que là ce n'est pas une question de roulées sans filtre mais de montée des discours populistes qui affaiblissent les institutions et remettent en cause les fondements du système démocratique. Pierre Rosanvallon traite le populisme comme « l’anti-démocratie absolue ». La recette du crack : une stigmatisation compulsive des gouvernants, un rejet total de la politique et une criminalisation du pouvoir. C’est là les trois mamelles du « democratic backslide ». Mais du coup comment améliorer nos démocraties ? Cet article propose deux solutions très prometteuses : réformer le système électoral pour le rendre plus proportionnel et l’utilisation de l’IA dans le processus de décisions politiques.
Cheatcode 1 : la proportionnalité
La démocratie peut prendre différentes formes, des démocraties majoritaires (qui concentrent le pouvoir dans les mains du parti qui a remporté les dernières élections) aux démocraties plus consensuelles (qui partagent le pouvoir entre les principales forces politiques). Ces systèmes impliquent des comportements politiques très concrets, qui peuvent être facilement prédits grâce à la loi de Duverger. Cette loi stipule que le système majoritaire favorise deux (par exemple, les États-Unis) ou trois (par exemple, le Royaume-Uni et la France) partis principaux selon le principe du « vainqueur emporte tout ». Comme il n'y a qu'un seul vainqueur, vous devez vous efforcer de convaincre le plus grand nombre d'électeurs possible. Pour ce faire, essayez d'être moins substantiel et moins précis dans vos opinions, sinon vous risquez de décevoir quelqu'un.
Les pays anglo-saxons ont tendance à appartenir à la première catégorie. Le problème est que si votre camp perd, personne (ou presque) ne vous représentera au gouvernement, ce qui vous rendra plus déçu que si vous perdiez dans un système proportionnel. A l'inverse, les démocraties consensuelles basées sur le principe de proportionnalité permettent une meilleure représentation politique et réduisent ainsi les inégalités entre les gagnants et les perdants des dernières élections.
Les politologues expliquent le mécanisme comme suit : dans un système majoritaire, le gouvernement concentre toute son attention sur les « swing districts » (ceux qui pourraient basculer électoralement), ce qui limite la redistribution des ressources. Par exemple, l'ex-président français Sarkozy (2007-2012) a réorienté les investissements publics des circonscriptions socialistes vers des circonscriptions plus à droite, qui potentiellement, pourraient voter pour lui et lui offrir une réélection. Un système proportionnel favorise au contraire une représentation plus juste et des politiques publiques plus universelles (et donc plus de démocratie).
En outre, la démocratie proportionnelle limite la concentration du pouvoir en favorisant les gouvernements de coalition. Cela renforce la stabilité institutionnelle en empêchant une centralisation excessive du pouvoir entre les mains d'un seul homme. Par exemple, même si Trump a été élu avec une minorité d'électeurs en 2016, il n'a placé que des républicains au gouvernement. À l'inverse, en Suisse, même si le parti d'extrême droite UDC a remporté 40 % des sièges au parlement, seuls 2 des 7 ministres sont UDC (les autres sièges étant répartis entre les socialistes, les centristes et les libéraux).
Évidemment, elle présente aussi certaines limites : un nombre accru de partis peut conduire à une fragmentation excessive (POV les Pays-Bas avec leurs 16 partis—boloss) et pourrait ralentir la prise de décision en cas de crise. Mais en fin de compte, elle s'avère toujours plus efficace en raison d'une production politique mieux acceptée.
Nous avons vu qu'à long terme, la démocratie consensuelle est plus performante en raison de sa structure. Je voudrais maintenant examiner la question de la manière dont le processus de prise de décision pourrait être amélioré.
Cheatcode 2 : les IAs
Un autre point mérite notre attention : même dans une meilleure structure démocratique, les députés restent limités dans leur capacité à réagir correctement. Ils doivent connaître trop d'informations sur trop de sujets, qui changent très souvent en fonction de l'attention des médias. Objectivement, il n'est pas possible de prendre les décisions les plus optimales dans ce contexte. C'est précisément pour cela que les outils d'IA peuvent être très prometteurs.
Certains chercheurs préconisent la délégation partielle de la législation à des systèmes d'IA (« cyberdélégation »). Les IA pourraient aider à analyser de grandes quantités de données pour éclairer les décisions politiques, évitant ainsi les préjugés humains. À l'aide de bases de données massives, elles pourraient mener des études comparatives dans différentes régions et explorer ce qui a été fait ailleurs, élargissant ainsi nos horizons.
Les IA, avec leurs possibilités croissantes de calcul, pourraient anticiper précisément les effets des politiques sur les finances, la santé, l'éducation ou les relations internationales. Le plus intéressant, à mon avis, c’est que si les IA sont correctement créées, elles pourraient faire des propositions sans tenir compte des réélections, évitant ainsi l'attention portée aux « swing-districts » dont il a été question plus haut.
Bien sûr, cela n'est pas sans risque : les suspects habituels - discrimination algorithmique, manque de transparence et manipulation électorale, mais encore une fois, si elles sont réalisées de manière transparente et orientées vers la maximisation du bien-être humain, les IA pourraient contourner les débats gauche-droite pour offrir une véritable politique adaptée à nos besoins.
On pourrait donc dire que l'IA ne devrait pas remplacer la prise de décision humaine mais plutôt agir comme un super-assistant, comme le suggère judicieusement l'e-rulemaking.
Mot de la fin
Le populisme affaiblit les démocraties, c'est un fait, mais la balle est dans notre camp. Nous devrions soutenir avec ferveur la représentation proportionnelle et envisager sérieusement de déléguer les tâches de gouvernance aux IA afin qu'elles puissent élaborer des politiques plus efficaces.
En bref, je pense que même si les sondages montrent que les gens (en particulier les jeunes) se lassent du processus démocratique, que cette institution est sujette à de nombreuses dérives et comporte des problèmes inhérents, ce n'est pas la démocratie qui est le méchant, c'est ce qu'il y a autour d'elle. Quand un pays connaît trop d'inégalités, quand les électeurs sont moins bien informés et quand les décisions sont prises de manière peu transparente, on est évidemment plus enclin à se tourner vers les promesses de candidats qui garantissent de tout simplifier et de prendre des mesures radicales. Mais je crois que nous oublions aussi que la démocratie, même imparfaite, reste le meilleur moyen de lutter contre la guerre et les inégalités et de garantir une meilleure croissance économique. Alors continuons à faire confiance à la démocratie, continuons à réfléchir à la possibilité de l'IA et restons bien informés!
English Translation
Giving Our Democracy a New Lease of Life
Is democracy in good health? Clearly not; it rather resembles your obese grandmother after 50 years of smoking. Except that here, it’s not about filterless cigarettes but the rise of populist rhetoric that weakens institutions and challenges the foundations of the democratic system. Pierre Rosanvallon refers to populism as "absolute anti-democracy." The perfect recipe for disaster includes compulsive stigmatization of leaders, total rejection of politics, and criminalization of authority. These are the three pillars of "democratic backslide." But then, how can we improve our democracies? This article proposes two promising solutions: reforming the electoral system to make it more proportional and using AI in political decision-making.
Cheat Code 1: Proportionality
Democracy can take different forms, ranging from majoritarian democracies (where power is concentrated in the hands of the winning party) to more consensual democracies (where power is shared among major political forces). These systems produce specific political behaviours, easily predicted by Duverger's Law. This law states that a majoritarian system favours two main parties (e.g., the United States) or three (e.g., the United Kingdom and France) according to the "winner takes all" principle. Since there's only one winner, parties must appeal broadly, often being less substantive and precise in their positions to avoid alienating voters.
Anglo-Saxon countries typically fall into this first category. The problem arises when your side loses, leaving almost no one to represent your interests in government, creating greater disappointment than losing under proportional representation. Conversely, consensual democracies based on proportionality offer better political representation, thus reducing inequalities between electoral winners and losers.
Political scientists explain the mechanism as follows: in a majoritarian system, governments focus their attention on "swing districts" (those potentially shifting electorally), limiting resource redistribution. For example, former French president Sarkozy (2007–2012) redirected public investments from socialist-held districts to more right-leaning ones, aiming for re-election. A proportional system, however, promotes fairer representation and more universal public policies, thus enhancing democracy.
Additionally, proportional democracy reduces power concentration by encouraging coalition governments. This bolsters institutional stability and prevents excessive centralization of power in a single individual's hands. For instance, although Trump was elected with a minority of voters in 2016, he appointed only Republicans. Conversely, in Switzerland, even though the far-right SVP secured 40% of parliamentary seats, only two of the seven ministers are SVP (the remaining seats divided among socialists, centrists, and liberals).
Admittedly, proportional representation has downsides: increased numbers of parties can lead to excessive fragmentation (consider the Netherlands with its 16 parties) and could slow down decision-making during crises. Nonetheless, it is ultimately more effective due to better-accepted political outcomes.
We've seen that consensual democracy performs better in the long run due to its structure. Let's now explore how the decision-making process itself could be improved.
Cheat Code 2: AI
Another point merits our attention: even with improved democratic structures, elected representatives remain limited in their ability to respond effectively. They must manage vast amounts of information on numerous topics, frequently changing according to media attention. Objectively, optimal decision-making is nearly impossible in such contexts. This is precisely why AI tools hold great promise.
Some researchers advocate partially delegating legislation to AI systems ("cyber-delegation"). AI could analyse massive data volumes to inform political decisions, mitigating human biases. Leveraging extensive databases, AI could conduct comparative studies across regions and explore international precedents, broadening our perspectives.
With increasing computational power, AI could precisely anticipate policy impacts on finance, health, education, or international relations. Most interestingly, properly developed AI could propose policies without considering re-election, thus avoiding undue attention to "swing districts" mentioned earlier.
Of course, this isn't without risks such as algorithmic discrimination, lack of transparency, and electoral manipulation. Yet, if developed transparently and focused on maximizing human welfare, AI could bypass left-right debates to offer genuinely tailored policies meeting our needs.
AI should therefore not replace human decision-making but rather serve as a super-assistant, as the concept of e-rulemaking aptly suggests.
Final Word
Populism weakens democracies; that's a fact. However, the ball is in our court. We should passionately support proportional representation and seriously consider delegating governance tasks to AI to create more effective policies.
In short, although polls show growing disenchantment with democracy, particularly among the youth, and despite its inherent problems, democracy itself isn't the villain. It's the circumstances surrounding it. When a country suffers from excessive inequality, poorly informed voters, and opaque decision-making processes, it's natural to gravitate toward candidates promising simplistic, radical solutions. Yet, we often forget that even an imperfect democracy remains the best system to fight war, reduce inequalities, and ensure economic growth. Let's continue trusting democracy, thoughtfully consider AI's potential, and remain well-informed!